Introduction
Vous est-il déjà arrivé d’avoir une chanson qui tourne en boucle dans votre tête… sans l’avoir demandée ? Une mélodie qui revient encore et encore — pendant que vous me lisez, que vous essayez de vous endormir ou que vous marchez dans la rue ? Pas de panique, vous n’êtes pas en train de perdre la tête. C’est ce qu’on appelle un ver d’oreille, et tout le monde y a droit à un moment ou un autre.

Et ce phénomène est plus intéressant qu’il n’y paraît. Il nous en dit beaucoup sur notre mémoire et notre rapport à la musique. En tant qu’apprenant·e en chant, il peut aussi révéler comment notre cerveau encode ce que nous vivons vocalement, bien au-delà des simples gestes techniques.
D’où vient ce fichu ver d’oreille ?
Quand une chanson se glisse dans notre esprit sans qu’on l’invite, ce n’est pas un bug : c’est un fonctionnement tout à fait normal du cerveau. Certaines mélodies sont conçues (ou juste “accidentellement” parfaites) pour capturer notre attention. Il suffit qu’elles soient courtes, répétitives et un peu inattendues pour que notre cerveau les retienne comme une sorte de boucle.
Ce sont souvent des morceaux très mélodiques, avec un rythme ou une structure accrocheuse. Notre cerveau aime résoudre des problèmes et fermer les boucles, et quand une phrase musicale n’a pas une vraie “fin”, il peut rester coincé dedans.
Pourquoi on n’arrive pas à s’en débarrasser ?
Parce que notre cerveau déteste les choses inachevées. C’est ce qu’on appelle l’effet Zeigarnik : une tâche incomplète ou interrompue crée une tension mentale qui pousse notre esprit à vouloir la terminer. (C’est le même principe qui nous pousse à enchaîner des épisodes d’une série Netflix)
Et quand une mélodie s’installe dans notre tête sans aller jusqu’au bout — ou sans vraie “fin” musicale — notre cerveau la relance, encore et encore, comme s’il espérait enfin boucler la boucle.
Ce phénomène implique aussi ce qu’on appelle la boucle phonologique, une partie de notre mémoire de travail qui traite les sons. Même sans musique autour, notre cerveau peut “jouer” un extrait musical en interne, en activant les mêmes zones que si on l’écoutait réellement.
Et ces airs reviennent souvent quand notre esprit est un peu libre : en marchant, en faisant la vaisselle… Il suffit d’un petit moment d’inattention, et hop, la chanson repart toute seule.

Et si c’était vous qui la relanciez sans vous en rendre compte ?
Parfois, ce n’est même pas la chanson elle-même qui revient : c’est une émotion ou une sensation associée. Vous avez entendu ce morceau à la radio pendant que vous étiez de bonne humeur ? Ou bien vous l’avez chantonné en répétition et ça vous a marqué vocalement ? Le cerveau aime faire des associations. Une odeur, une image, un moment, et hop : la mélodie revient.
Quel rapport avec l’apprentissage du chant ?

Ce phénomène du ver d’oreille nous montre une chose essentielle : quand s’il s’agit d’apprendre à chanter, notre cerveau ne retient pas que des gestes techniques. Il garde aussi en mémoire les sensations, les intentions et même le contexte dans lequel nous chantons.
En clair, ce qui pour lui est un exercice… reste un exercice. Si vous vous contentez de faire des gammes ou des vocalises en boucle, ne vous attendez pas à ce que ça se transfère magiquement dans vos morceaux. Ce qui fait vraiment progresser, c’est la pratique réelle, celle où vous êtes impliqué·e émotionnellement, corporellement, vocalement.
Chanter, ce n’est pas juste entraîner, coordonner des muscles. C’est une expérience complète : votre perception, votre ressenti, votre mémoire… tout est connecté. C’est ce que montrent les recherches en cognition incarnée : on apprend mieux quand le corps et l’esprit vivent pleinement ce qu’ils font.
Alors, la prochaine fois qu’une chanson vous reste en tête, demandez-vous : qu’est-ce que je ressens quand je la chante ? Qu’est-ce que ça m’apprend sur ma voix ?
Vous verrez que l’apprentissage peut parfois commencer là où on ne l’attend pas.
Vous pouvez aussi entraîner votre mémoire musicale
Le fait que certaines chansons restent bloquées montre aussi à quel point le cerveau est sensible à la musique. En vous appuyant sur ce fonctionnement, vous pouvez travailler votre mémoire musicale plus efficacement.
Pas besoin d’en faire trop : fredonnez souvent les mélodies que vous travaillez, écoutez-les dans différents contextes (en marchant, en cuisinant…), et laissez-les faire leur nid tranquillement. Vous verrez que certains passages vous reviendront naturellement quand vous les chanterez ensuite.
En résumé
Avoir une chanson coincée en tête, ce n’est ni un bug ni une punition. C’est le signe que votre cerveau est réceptif à la musique — et que certaines mélodies ont trouvé le bon chemin pour y rester. Et si vous êtes chanteur·se, c’est une excellente nouvelle : vous pouvez transformer ce phénomène parfois agaçant en véritable atout pédagogique. Parce que l’apprentissage vocal se joue aussi dans l’invisible : entre une phrase qu’on fredonne sans y penser… et une voix qui se transforme en profondeur.
Alors la prochaine fois qu’un refrain tourne en boucle dans votre esprit… écoutez-le ! Peut-être qu’il a quelque chose à vous apprendre.
L'essentiel de cet article
Pourquoi une chanson nous reste dans la tête ?
Parce que certaines mélodies sont simples, répétitives et inattendues. Elles activent notre mémoire auditive et restent en boucle dans la tête, même sans musique autour.
Un ver d’oreille est une chanson ou un extrait musical qui revient en boucle dans la tête, souvent sans qu’on l’ait voulu. C’est un phénomène courant lié à notre mémoire et à l’attention.
Parce que l’esprit relâché laisse remonter des airs associés à une émotion ou un moment vécu. Le cerveau relance alors la chanson, parfois inconsciemment.
Un refrain est porteur de sens, d’émotion et de forme musicale complète. Un exercice vocal répétitif, sans implication émotionnelle, s’ancre moins bien dans la mémoire.
Parce que la voix n’est pas qu’un geste technique. Le ressenti corporel, les émotions et l’attention sensorielle renforcent l’apprentissage vocal et la qualité du chant.
On peut le désamorcer en l’écoutant en entier ou en le remplaçant par une autre chanson familière. Mais il n’est pas forcément négatif : il reflète un cerveau sensible à la musique.