Introduction
Le terme belting est omniprésent dès qu’on parle de chanter fort, chanter haut, chanter « avec puissance ». Mais que désigne-t-il exactement ? Selon les sources, il semble tantôt lié à une technique, tantôt à une sensation, tantôt à un style. Certaines approches l’associent à une voix de poitrine poussée dans l’aigu, d’autres à une voix mixte bien timbrée… tandis que d’autres encore parlent de position du larynx, de twang, ou d’intention émotionnelle.
Résultat : une grande confusion. Car derrière un mot unique, ce sont en réalité plusieurs réalités qui coexistent — parfois même sans se ressembler.

Mais cette diversité n’est pas un défaut : c’est précisément ce que nous allons explorer ici. Comprendre le belting vocal ne consiste pas à enfermer la voix dans un moule unique, mais à reconnaître la richesse des chemins vocaux qui peuvent mener à un son puissant et expressif.
Dans cet article, je vous propose d’aller au-delà des oppositions techniques et des recettes toutes faites. Nous allons voir ce qui, dans notre anatomie vocale, permet de produire ce type de son, pourquoi il peut prendre des formes si variées, et surtout : comment aborder ce travail de manière concrète, ancrée, personnelle, sans danger pour votre voix.
Belting : une grande famille de résultats sonores
Même si les définitions divergent, un point revient constamment à propos du belting : c’est un résultat sonore qui a un volume sonore fort. Mais au-delà de cette caractéristique commune, il est important de comprendre que le belting est avant tout une famille de sons avec des couleurs et des textures différentes.
Et pour comprendre ça, il faut s’intéresser à ce qui, dans notre voix, permet de créer du volume sonore et explique pourquoi le résultat sonore du belting peut varier.
Les plis vocaux et les mécanismes :
Notre voix est produite par les plis vocaux (souvent appelés cordes vocales), situés dans le larynx.
Ces plis peuvent vibrer selon différents modes de fonctionnement, qu’on appelle mécanismes vocaux.
Parmi eux, deux sont particulièrement importants dans le chant :
- Le mécanisme 1, dit « lourd », utilisé principalement pour parler.
- Le mécanisme 2, dit « léger », plus présent dans les sons aigus ou aériens.

Ce qu’il faut retenir ici, c’est que le mécanisme 1 permet un meilleur accolement des plis vocaux. Et plus cet accolement est important, plus le son produit est intense.
C’est donc dans ce mécanisme 1 que l’on va chercher le type de son associé au belting.

Le rôle des cartilages du larynx :
Les plis vocaux ne fonctionnent pas seuls : ils sont fixés à l’intérieur du larynx, une structure composée de plusieurs cartilages mobiles.
Ces cartilages peuvent s’incliner les uns par rapport aux autres, ce qui a pour effet d’étirer ou de raccourcir les plis vocaux.
Un peu comme deux gros élastiques, la forme des plis vocaux influence directement le volume sonore.
- Plus ils sont tendus et allongés, plus ils deviennent fins → le volume est faible.
- Plus ils sont relâchés et raccourcis, plus ils sont épais → le volume est fort.
La résonance du conduit vocal :
Le volume produit par les plis vocaux ne suffit pas à lui seul. Pour que le son porte, il faut aussi de la résonance. Cette résonance se crée dans le conduit vocal, c’est-à-dire tout l’espace situé au-dessus du larynx : la gorge, la bouche et le nez.
Ce conduit agit comme une caisse de résonance, et on peut en ajuster la forme pour modifier la couleur du son : plus brillant, plus sombre, plus clair, plus métallique…

Une infinité de combinaisons !
Ainsi, pour une même recherche d’un volume sonore important, entre les mécanismes utilisés, l’épaisseur des plis vocaux, l’inclinaison des cartilages, et la forme du conduit vocal, les combinaisons sont nombreuses pour y parvenir. À cet éventail de possibilités est donné, à tort ou raison, le terme valise de vocal belting.
Donc, plutôt que de chercher LA bonne façon de faire du belting, il est plus utile de le voir comme une famille de sons potentiellement puissants, avec diverses teintes de couleurs et de textures.
Peut-être devrions nous alors parler des beltings et non du belting.
Bonne nouvelle : vous savez déjà (presque) belter !
Même si certaines possibilités de cette familles de sons dont nous venons de parler demandent un peu d’entraînement pour être accessibles, les gestes moteurs nécessaires pour les produire sont déjà en nous. Ils font partie de notre fonctionnement vocal basique et primaire, car étroitement liés à l’expression de nos émotions.
Plusieurs études ont montré que les zones du cerveau qui gèrent nos émotions sont également impliquées dans l’acte de chanter. En fait, les expressions vocales que nous utilisons dans la vie quotidienne pour exprimer des émotions comme la colère, la joie ou la tristesse sont celles que l’on retrouve également dans le chant, et notamment dans celles liées aux beltings.

Cela explique pourquoi, pour certaines personnes, ils semblent plus simples et intuitifs. Ces personnes parviennent à libérer dans leur chant une expression émotionnelle authentique, ce qui rend l’accès à cette famille de sons plus facile.
Mais pour d’autres, il s’agit surtout de retrouver l’accès à un geste vocal spontané, souvent bridé par des années de retenue ou de contrôle, et non d’apprendre à “fabriquer” quelque chose de complètement nouveau.
Des émotions différentes pour différents beltings
Regardons de plus près deux exemples d’émotions courantes qui vont illustrer différents types de beltings : l’émotion plaintive, typique d’une douleur, et l’émotion de colère ou de joie.
L'émotion "plaintive"
Lorsque vous vous cognez le petit orteil et exprimez la douleur par un « Aïe ! », cette exclamation a pour but de vous libérer. C’est avant tout une purge émotionnelle.
Physiologiquement, les cartilages du larynx vont tendre les plis vocaux et les allonger, ce qui, avec la disposition du larynx et du conduit vocal, donne au son une couleur plaintive. Bien que fort, le volume sonore n’a pas besoin d’être intense ni agressif, car l’objectif est avant tout de chercher du soutien auprès de l’auditeur.


L'émotion "colère / joie"
En revanche, lorsqu’on exprime une grande joie ou une colère, comme en criant « Ouééé ! » ou « Ça suffit là ! », l’action physiologique est inverse. Les cartilages du larynx raccourcissent les plis vocaux, ce qui permet de produire un son plus métallique et puissant.
Cette configuration génère une voix forte, intense, riche en harmoniques, et capable de projeter une grande intensité. Elle est typique des expressions vocales de la colère ou de la joie, où nous cherchons avant tout à faire savoir au monde entier ce que nous ressentons.
Le belting, un résultat sonore à multiples facettes
À la lecture de ce qui précède, il pourra m’être répondu que seule la deuxième émotion devrait obtenir l’étiquette de belting. L’autre devrait être classée dans une autre catégorie qui serait les Voix Mixtes.
Et je serais d’ailleurs plutôt d’accord. Mais le fait est que qu’il n’existe pas de définition universelle et figée du belting. Selon les styles, les époques, les approches pédagogiques et les goûts de chacun, le belting peut se rapprocher de l’une ou l’autre, voire un mélange, des émotions que nous avons abordées.
C’est avant tout un choix personnel, et chacun d’entre nous a son propre mode d’expression des émotions. Ce qui peut sembler être un belting puissant pour l’un peut ne pas l’être pour l’autre, selon son ressenti et son interprétation.
C’est d’ailleurs ce qui explique la grande diversité des définitions et des explications qui circulent sur le sujet.
Sur un blog anglophone connue, l’auteure écrit que Christina Aguilera ” ne fait pas du belting, elle crie “. Une vidéo Youtube recense des chanteuses qui font du belting, sans que l’une d’entre elles ne soient dans ce qu’ici, nous avons classé dans l’émotion plaintive. D’autres vidéos, les deux, parfois même des chanteuses en mécanisme 2 (léger). Une autre vidéo encore, explique que sans twang, pas de belting… Ect.

Les beltings sont donc bien une grande famille. Une manière de libérer des émotions, parfois fortes et intenses, parfois plus nuancées, en fonction de notre propre expérience émotionnelle.
C’est ce qui rend l’exercice à la fois passionnant et complexe : le belting peut être une exploration personnelle, et chaque voix aura sa propre manière de s’exprimer à travers ce phénomène.
Comment apprendre à faire du belting ?
L’illusion des approches par configurations et modes vocaux
L’idée de basculer d’une émotion à l’autre – en passant par des sons primaires comme la « plainte » ou la « joie » – pour produire du belting peut sembler pertinente à première vue.
On pourrait croire qu’il suffit d’ajuster la position du larynx, d’étirer ou de raccourcir les plis vocaux selon l’émotion. Des méthodes comme Estill, CVT, ou leurs dérivés proposent d’ailleurs ce type d’approche, en se basant sur des manipulations précises du larynx, du conduit vocal, ou sur la recherche d’un résultat acoustique précis.
Notre voix ne se résume pas à des recettes Marmiton
Cependant, cette vision simplifie à l’extrême la complexité de la voix humaine, son aspect dynamique et la singularité de chaque individu.
Que ce soit dans la vie quotidienne ou dans un contexte de chant, la voix ne fonctionne tout simplement pas selon des modèles figés. Elle s’adapte en permanence à une multitude de variables :
le contexte, l’environnement, la posture, l’état physiologique global, l’humeur…
les variables liées au chant : choix d’interprétation, nuances, contraintes acoustiques…
notre propre singularité : personnalité, vécu, expériences, organisation corporelle – tout ce qui façonne notre manière unique d’exprimer nos émotions, et donc le geste vocal associé.
Ainsi, l’idée qu’il suffirait d’appliquer une technique précise et codifiée pour belter passe à côté de l’essentiel. Quelques recettes toutes faites, ont peu de chances de réellement s’intégrer sur le long terme dans votre pratique.
Même si ces approches reposent souvent sur des bases théoriques solides, leur mise en œuvre diffère radicalement d’une personne à l’autre. Ce que vous enseigne un prof de chant à partir d’une méthode théorique peut être très éloigné de ce que vous vivrez réellement, dans votre propre voix.
Le piège du “faites comme moi” et des modèles rigides
D’autant plus que tout cela est souvent enseigné sur un modèle “faites comme moi”, en vous demandant de reproduire des sons ou des gestes (les fameux “heeeeyyyy” que l’on vous demande de crier dans pratiquement toutes les vidéos sur le belting). Un modèle qui peut fonctionner un temps, mais qui présente de sérieuses limites — comme je l’explique dans cet article: “Apprendre à chanter sur YouTube : efficace ou non ?“.


Enfin (et comme si ce n’était pas suffisant !), tout ce qui consiste à vous enseigner 2-3 recettes toutes faites (belting / voix mixte / voix de tête), c’est séduisant parce que ça paraît plus simple, mais n’oubliez pas que votre voix n’organise pas les choses comme ça. La nature a horreur du vide, et notre cerveau aussi. Ce cloisonnement en une poignée de recettes ne lui plaît pas.
D’autant plus que, que ce soit pour la voix ou n’importe quel mouvement du corps, notre cerveau prévoit toujours, pour des raisons de fiabilité et d’efficacité, une multitude de combinaisons et de possibilités. Autrement dit, pour un même résultat sonore, il va utiliser des stratégies, des routes différentes.
Comment réellement apprendre à faire du belting ?
Nous l’avons vu : le belting n’est pas une technique unique, figée, universelle. Ce n’est ni une posture précise à adopter, ni une émotion à forcer, ni une recette à appliquer. Il peut prendre différentes formes, s’exprimer avec des nuances variées, et s’appuyer sur des coordinations multiples. Il n’y a pas une seule manière de chanter fort et dans les aigus, mais autant de chemins qu’il y a de chanteurs.
Apprendre à chanter — et en particulier à moduler sa voix avec puissance, hauteur et couleur — ne repose pas sur un empilement de techniques. Cela commence par une meilleure compréhension de vous-même, de votre voix, de votre manière singulière de fonctionner.
C’est un travail d’exploration. L’exploration des éléments, des espaces, des coordinations qui s’opèrent en vous lorsque vous chantez.Pas en théorie, pas dans l’absolu. Mais dans votre propre corps.
Vous accompagner dans ce travail, c’est vous proposer des situations concrètes, des expériences qui vous permettent de comprendre ce que vous faites, de prendre conscience de vos gestes vocaux — et de sentir ce qu’ils déclenchent.
Et c’est dans ce cheminement-là que vous trouverez votre propre manière de faire tous les résultats sonores que vous souhaitez. Ce sera à vous, ensuite, de mettre des mots sur ce que vous ressentez. Peut-être que vous déciderez d’appeler cela du belting, de la voix mixte, du curbing, ou autre chose encore.
Peu importe, au fond…. Car ce qui compte, c’est que cela fonctionne pour vous. Que ce soit ancré. Vécu. Disponible. Et c’est ce que je vous propose dans mes cours de chant de ma formation au chant dont vous pouvez des informations ci-dessous !